La conviction de l’époque moderne selon laquelle l’homme peut seulement connaître ce que lui-même a fait semble être en accord avec une glorification de l’action plutôt qu’avec l’attitude fondamentalement contemplative de l’historien et de la conscience historique en général.
Partout où l’un des éléments de la trinité romaine, religion, autorité ou tradition, a été mis en doute ou éliminé, les deux qui restaient ont perdu leur solidité. Ainsi, ce fut l’erreur de Luther de penser que son défi lancé à l’autorité temporelle de l’Eglise et son appel à un jugement individuel sans guide laisseraient intactes la tradition et la religion. Ce fut aussi l’erreur de Hobbes et des théoriciens politiques du XVIIe siècle d’espérer que l’autorité et la religion pourraient être sauvées sans la tradition. Ce fut aussi finalement l’erreur des humanistes de penser qu’il serait possible de demeurer à l’intérieur d’une tradition inentamée de la civilisation occidentale sans religion et sans autorité.
La crise de l’autorité dans l’éducation est étroitement liée à la crise de la tradition, c’est-à-dire à la crise de notre attitude envers tout ce qui touche au passé.
C’est avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun.
La vérité, quoique sans pouvoir et toujours défaite, quand elle se heurte de front avec les pouvoirs en place quels qu’ils soient, possède une force propre : quoi que puissent combiner ceux qui sont au pouvoir, ils sont incapables d’en découvrir ou inventer un substitut viable. La persuasion et la violence peuvent détruire la vérité, mais ils ne peuvent la remplacer.