Tous les lieux communs et les idéaux modernes sont autant de ruses pour éluder le problème du bien. Nous aimons parler de « liberté » et tout en causant nous évitons de discuter ce qui est le bien. Nous aimons discourir sur le « progrès », autre ruse pour éviter de discuter du bien.


Tel qu’on l’énonce aujourd’hui, le mot progrès est tout simplement un comparatif dont nous n’avons pas défini le superlatif. Nous opposons à tous les idéaux précis de religion, de patriotisme, de beauté ou de plaisir animal, l’idéal du progrès : c’est-à-dire que nous substituons à toute possibilité d’obtenir une chose que nous connaissons la possibilité d’obtenir bien davantage d’une chose dont personne ne sait rien. Le progrès bien compris a, en vérité, un sens des plus nobles et des plus légitimes. Mais, employé par opposition à un idéal moral déterminé, il est ridicule.


La vérité, c’est que la tradition chrétienne (qui est jusqu’ici la seule morale cohérente de l’Europe) repose sur deux ou trois paradoxes ou mystères qui peuvent être facilement réfutés dans une controverse et tout aussi facilement justifiés dans la vie. L’un d’eux, par exemple, est le paradoxe de l’Espérance ou de la Foi : que plus une situation est désespérée, plus l’homme doit espérer. Un autre encore est le paradoxe de la Charité ou de la protection chevaleresque : que plus une chose est faible, plus elle doit être respectée ; plus une chose est indéfendable, plus elle doit nous inciter à une certaine sorte de défense.