On croit que le désir est objectif ou subjectif mais, en réalité, il repose sur un autrui qui valorise les objets, le tiers le plus proche, le prochain. Pour maintenir la paix entre les hommes, il faut définir l’interdit en fonction de cette redoutable constatation : le prochain est le modèle de nos désirs. C’est ce que j’appelle le désir mimétique.


L’autonomie que nous nous croyons toujours sur le point de conquérir, en imitant nos modèles de puissance et de prestige, n’est qu’un reflet des illusions projetées par notre admiration pour eux, d’autant moins consciente de son mimétisme qu’elle est plus mimétique. Plus nous sommes « orgueilleux » et « égoïstes », plus nous nous asservissons aux modèles qui nous écrasent.


La prolifération initiale des scandales aboutit tôt ou tard à une crise aiguë au paroxysme de laquelle la violence unanime se déclenche contre la victime unique, la victime finalement sélectionnée par toute la communauté. Cet événement rétablit l’ordre ancien ou en établit un nouveau destiné un jour ou l’autre à entrer en crise lui aussi, et ainsi de suite.


La recette suprême du prince de ce monde, son tour de gibecière numéro un, sa ressource unique peut-être, c’est le tous-contre-un mimétique qui, au paroxysme du désordre, rétablit l’ordre dans les communautés humaines.