Au sein de chaque communauté blessée apparaissent naturellement des meneurs. Enragés ou calculateurs, ils tiennent les propos jusqu’au-boutistes qui mettent du baume sur les blessures. Ils disent qu’il ne faut pas mendier auprès des autres le respect, qui est un dû, mais qu’il faut le leur imposer.
La conception qui réduit l’identité à une seule appartenance, installe les hommes dans une attitude partiale, sectaire, intolérante, dominatrice, quelquefois suicidaire, et les transforme bien souvent en tueurs, ou en partisans des tueurs.
La sagesse est un chemin de crête, la voie étroite entre deux précipices, entre deux conceptions extrêmes. En matière d’immigration, la première de ces conceptions extrêmes est celle qui considère le pays d’accueil comme une page blanche où chacun pourrait écrire ce qu’il lui plaît, ou, pire, comme un terrain vague où chacun pourrait s’installer avec armes et bagages, sans rien changer à ses gestes ni à ses habitudes. L’autre conception extrême est celle qui considère le pays d’accueil comme une page déjà écrite et imprimée, comme une terre dont les lois, les valeurs, les croyances, les caractéristiques culturelles et humaines auraient déjà été fixées une fois pour toutes, les immigrants n’ayant plus qu’à s’y conformer.
Chacun d’entre nous est dépositaire de deux héritages : l’un, « vertical », lui vient de ses ancêtres, des traditions de son peuple, de sa communauté religieuse ; l’autre, « horizontal », lui vient de son époque, de ses contemporains.