L’opinion dominante, l’opinion « éclairée » ou « progressiste », s’accorde à considérer que la religion comme motivation puissante ou significative des hommes appartient au passé. Que la religion, celle-ci ou une autre, puisse motiver les hommes aujourd’hui, leur donner énergie et direction aujourd’hui, c’est-ce qui est proprement inconcevable pour l’Européen éclairé. L’humanité est irrésistiblement emportée par le mouvement de la modernisation, et l’humanité moderne, l’humanité enfin « majeure », c’est une humanité qui est sortie de la religion.
Les musulmans français ne trouveront leur place dans la société française que s’ils la trouvent dans la nation. Ils ne la trouveront dans la nation que si celle-ci les accueille selon la vérité et selon leur vérité – non pas donc simplement comme des individus-citoyens titulaires de droits accueillent d’autres titulaires des mêmes droits, mais comme une association de marque chrétienne fait sa place à une forme de vie avec laquelle elle ne s’est encore jamais mêlée sur un pied d’égalité. C’est précisément parce que la rencontre entre ces deux formes de vie a été en général si difficile et même douloureuse, et que donc les chances d’une concitoyenneté enfin heureuse apparaissent modestes à quiconque veut bien ne pas rêver, qu’il importe que nous soyons très attentifs à la situation effective des uns et des autres, et très sincères les uns et les autres dans la formation et la formulation de nos voeux.