De ce que tous les hommes sont égaux en droit, on a déduit que tous les hommes sont pareils en fait. On craint que repérer une différence, ce ne soit légitimer l’inégalité.


Les Français ont leur propre expérience, elle leur paraît irrécusable ; leur propre explication, vous ne les en ferez pas démordre. Et ils sont susceptibles.


Nous avons la liberté. Mais nous ne savons pas nous en servir. Nous usons d’elle comme de l’or : nous la thésaurisons, nous ne la faisons pas fructifier.


Le Canard enchaîné avait résumé dans son style “l’histoire d’un gouvernement” : “Au début, on se tend la main. Après, on se la fait. Puis on se la refuse. Alors on est obligé de la passer. Finalement, on se les lave.”


Avec ses huit cent mille agents, l’enseignement français était la plus grosse entreprise du monde, après l’Armée Rouge et la General Motors. L’ensemble de l’Université française pourrait parfaitement fonctionner si, comme l’avait voulu son fondateur Napoléon, elle était maintenue sous un régime paramilitaire ; ou si, comme dans la plupart des démocraties libérales, elle était fractionnée en unités autonomes, aiguillonnées par la concurrence authentique que ces unités se feraient les unes aux autres. Mais l’enseignement français est protégé à la fois contre la discipline et contre la concurrence. Un ensemble de cette importance peut-il fonctionner s’il repose sur des principes d’organisation contradictoires : indiscipline et monopole, uniformité et individualisme ? Est-il rationnel qu’un fonctionnaire puisse assaillir l’autorité dont il relève, mais reste à l’abri de cette autorité au point d’être intouchable ?


La centralisation présente de grands avantages pour une nation en guerre ou en alerte, quand l’ordre ne se discute pas. Mais elle comporte de graves dangers pour l’ordinaire des jours – et même pour se préparer à l’extraordinaire. L’excès de responsabilités du côté de l’Etat, entraîne l’absence de responsabilités de la part du citoyen. De cette absence et de cet excès, sont justement nées les révolutions ou rébellions dont l’histoire de France est prodigue. Faite pour affronter la crise, la centralisation l’entretient.


Paris assèche l’Etat, le coupe des sources vives de la nation, l’enferme dans un milieu surchauffé et instables. Le parisianisme mine l’Etat. Parfois, il le renverse. La versalité des foules parisiennes met la France à la merci d’un coup de tête.


Nous ignorons l’art de pratiquer avec mesure une autocritique qui sache se tenir à égale distance de l’autosatisfaction et de l’autohumiliation. Nous encenser ou nous flageller, ces deux attitudes extrêmes permettent tour à tour d’éviter d’agir : elles découragent l’effort, ressenti soit comme superflu, soit comme impuissant.