Ce qui est terrible dans le christianisme, c’est justement qu’il n’y a pas de lavage de cerveau. Jusqu’au bout Dieu nous dira « Veux-tu ? ». Et il faudra bien qu’un jour la réponse soit éternelle. La liberté ne nous donne pas le droit de dire non. Au contraire : c’est justement parce qu’on a le pouvoir de dire non qu’on a le devoir de dire oui. Le bien et le mal moral n’interviennent pas tant qu’on nous menace, mais seulement quand on nous dit : « Tu feras ce que tu veux. »
L’enfer n’est que la conséquence suprême du respect de Dieu pour notre liberté : respect éternel devant une révolte éternelle.
Même si l’amour est malheureux et douloureux, il vaut mieux cela que de vivre sans amour. L’intelligence comprend que tout ce qu’il y a de décevant dans l’amour est dû aux limites de l’amour, non à l’amour même.
Comment cesser d’être blasé de façon à être plus troublé et bouleversé par la splendeur du Bien que par l’horreur du Mal, tout en restant bouleversé par l’horreur du Mal ? Le jour où nous arriverons à cela, nous serons dans la vérité, dans l’équilibre véritable des choses. A force de s’habituer à un monde dur, on endurcit son cœur au point de ne plus sentir la profondeur du Bien. A ce moment-là on ne peut plus comprendre l’existence de Dieu : c’est un autre genre d’athéisme, qui ne s’appuie plus sur la révolte contre le Mal, mais sur l’insensibilité au Bien. Ce qui est pire.
L’amour oblatif se donne pour se donner, ce qui ne veut pas dire qu’il se renie ou se désintéresse du bonheur. Ceux qui se donnent jouissent de la vie et du plaisir plus intensément que les autres, justement parce que leur but n’est pas rétréci à leur profit.
La dureté de chacun sert de justification à la dureté de l’autre, ce qui est exactement le régime de l’enfer esquissé par Jean-Paul Sartre dans Huit Clos.