Je trouve plus facile d’être courageux avec des galons et une troupe derrière soi que seul dans un pavillon à la merci des Allemands. Toutes les armées utilisent des uniformes, des décorations et des liturgies, parce que le courage a besoin d’une armure.


La réalité de la déportation est trop complexe et multiple pour qu’on en tire des leçons universelles. Chacun a connu sa part de vérité qui ne ressemble à aucune autre. Chacun porte sa part d’ombre. Chacun sait où s’est arrêté le courage et où, parfois, a commencé la lâcheté. Il n’existe pas de grand homme qui n’ait été un jour un pauvre homme. Il n’existe pas de pauvre homme qui ne soit ni plus ni moins digne de respect qu’un grand homme.


La Légion est née de préoccupations très utilitaires : former des unités corvéables en tous temps, exposer des étrangers plutôt que des Français, séduire et enrôler les traqués, les désespérés, ceux que la Justice recherche et qui n’ont rien à perdre. Pourtant, la Légion a réussi à faire naître un idéal et un mystère, difficile à comprendre et à percer de l’extérieur, mais d’une force incomparable.


Sacrifier sa vie pour son pays ou pour autrui est un choix aussi irrationnel que de donner la vie. Il a le même poids et la même hauteur.


En 1645, Alexandre de Rhodes confiait : « Je quitte de corps la Cochinchine, mais certes non pas de cœur, aussi peu que le Tonkin. A la vérité, il est entier en tous les deux et je ne crois pas qu’il puisse jamais en sortir. »


Un ami d’Alger, d’un caractère lucide et sombre, me confiera : «  Tu vois, Hélie, ce qu’ils veulent détruire, c’est cent trente ans de vie commune. La colonisation a peut-être été un viol. Mais il est né des enfants. Et ça le FLN ne l’accepte pas. Ses dirigeants veulent une pureté idéologique, religieuse et raciale. Ils veulent créer un Algérien nouveau par le sang. »


Aimer une femme, c’est souhaiter participer à l’ordre durable du monde et prendre racine.


J’ai l’impression que les jeunes générations, succédant à de grandes désillusions, refusent d’employer certains mots tabous comme le courage, l’humilité, la fidélité, la nation, l’honneur, non par cynisme mais par désenchantement. Au fond, ils respectent ces valeurs, tout en ayant peur d’être déçus.


L’armée ne doit pas être un corporatisme de plus, mais la propriété de tous.


Mettre en ordre mes affaires, classer mes souvenirs, souffrir d’une manière acceptable, contempler le front de la femme que j’aime, retenir quelques regards, dire adieu au parfum des fougères et du crachin d’Hanoï, caresser le tronc des oliviers et, quand l’heure sera venue, croire en l’espérance.