Au concile de Ratisbonne, le 21 avril 742, il fut arrêté que défense était faite désormais aux clercs « de porter les armes et d’aller à la guerre, à l’exception de ceux qui doivent célébrer la sainte messe ou porter les reliques protectrices. Ceux-là peuvent accompagner l’armée. »


Clotaire appelle à sa cour Sulpice pour « remplir dans les camps du roi la fonction d’abbé pour le salut de sa personne et celui de son armée ». Abbas in castris, abbé dans les camps : voilà le plus ancien nom officiel des aumôniers militaires.


Cardinal Baudrillart : « La France est restée catholique parce qu’elle l’a voulu… Tandis que partout ailleurs en Europe la masse du peuple se laissa vaincre et reçut, par indifférence, par surprise ou par force, la réformation de la main avide et brutale de ses chefs, la masse du peuple français ne se laissa ni séduire ni dompter. Elle défendit sa foi contre tout ennemi, par tout moyen, et l’imposa même à son roi ; c’est une des pages les plus grandioses d’une histoire féconde en traits généreux. Il est beau de protester contre les horreurs des guerres de religion ; il est plus beau et moins facile de les endurer afin de rester fidèle à ce qu’on tient pour la vérité. »


Le P. Coton, jésuite, prit sur le roi la grande influence convenable et le corrigea vite d’un habitude des camps qu’on n’appréciait pas au Louvre. Ce prince sacrait comme un démon et disait à tout propos : je renie Dieu, qu’il prononçait, à la mode du temps, jarnidieu ! Coton, qui était fin et modeste, suggéra à cet impétueux de sacrer plutôt par son aumônier, et le roi fit de jarnicoton son bon gros juron de tous les jours.


Duc de Mortemart : « Quel est le prêtre qui, pour peu qu’il ait de connaissances, ne préférerait suivre la carrière des vicariats et des cures où on est sûr d’obtenir au bout de quelques années une existence honorable et un moyen assuré de passer sa vieillesse tranquillement, plutôt que l’état pénible d’un aumônier, qui, après avoir vécu longtemps presque dans la misère, n’a pas même la perspective d’avoir du pain lorsque ses infirmités et ses longs services l’auront mis dans l’impossibilité de continuer ses fonction ? Presque tous les prêtres employés à ce service sont ou des espèces d’imbéciles que leurs évêques n’ont pas jugés capables de remplir dans leurs diocèses les fonctions paroissiales, ou des mauvais sujets, qui, par la dissolution de leurs mœurs, se sont fait exclure de ces mêmes fonctions et cherchent, dans un état moins gêné, une liberté de conduite qui leur serait interdite sous la discipline de leur ordinaire. »


P. de Damas : « A neuf cents lieues de son pays, sur la terre ennemie, seul au milieu d’un camp, il faut à l’homme souffrant et malheureux la possibilité de trouver un cœur auquel il aime s’ouvrir, un cœur tranquille et calme, exempt des petites sollicitudes de la jalousie et de l’ambition, qui puisse le comprendre, lui donner son temps et ses larmes, se donner lui-même et lui apporter les consolations de Dieu. »


Cardinal Desprez : « Le prêtre décline le combat, mais il accepte le martyre. Qu’on nous permette de mourir sur le champ de bataille en arrachant les blessés au massacre et emportant les victimes dans nos bras, nous en serons reconnaissants ; mais exiger de nous le sacrifice de la vie les armes à la main, ce ne serait pas seulement outrager notre caractère, mais encore fouler aux pieds la justice et la religion naturelle… Le sacerdoce ne peut être militant, parce que les mains qui bénissent ne doivent pas tuer, et que les intermédiaires placés entre la divinité et l’homme doivent au besoin savoir souffrir la mort sans la donner. »


Abbé de Meissas : « Gardez-vous contre l’influence néfaste à tant d’égards pour nous d’une vie trop pleine d’agitations et d’aventures. Si cette vie s’impose à l’aumônier militaire en campagne, joignez-y toujours, dans la mesure du possible, ces exercices journaliers, qui sont les meilleurs aliments de l’esprit sacerdotal.

Dans vos rapports avec les officiers et soldats, ayez autant d’aménité que possible, mais ne vous croyez pas autorisé à un laisser-aller de mauvais goût.

N’affectez pas le ton et les manières d’un vieux sergent : ce qui passe chez un sous-officier ne passe pas chez un prêtre.

N’allez jamais au café, à moins que les nécessités du moment ne vous obligent à y prendre votre repas. Les officiers ou les médecins militaires qui vous engageraient à y venir avec eux dans un autre but comprendront très bien que vous ne vouliez pas vous exhiber en public, une chope ou une queue de billard à la main, et près d’eux-mêmes vous gagnerez en prestige et en considération.

Ne soyez militaire que sur un seul point ; mais sur ce point-là, vous ne le serez jamais trop : je veux parler de la disposition à risquer constamment votre vie.

Soyez tout à Dieu, tout aux âmes, tout à la France. Peut-être ne reviendrez-vous pas. Peut-être reviendrez-vous la santé perdue, la boutonnière vierge et la bourse légère… Mais au prix de votre sang mille fois offert, vous aurez consolé mainte agonie, vous aurez soutenu le courage de tous, et, disséminés partout en France, paysans, ouvriers, hommes de professions diverses, conserveront gravée, entre toutes les visions de la campagne, celle du prêtre, compagnon de leurs fatigues et de leurs périls. »