Quand nous prions la Liturgie des Heures, notre prière se coule dans celle de l’Eglise-Epouse, laquelle, au nom de toute l’humanité, coule elle-même la sienne dans celle du Christ intercesseur. Il est instructif de souligner cette précieuse objectivité de la Liturgie des Heures, par contraste – mais non en opposition – avec les formes plus personnelles de prières, telle que la méditation ou l’oraison, par exemple. C’est la grâce propre du bréviaire de nous faire entrer en profondeur dans les divers temps liturgiques ainsi que dans les sentiments du Christ et de l’Eglise, laquelle prie toujours les psaumes dans une perspective supra-individuelle, les appliquant au peuple de Dieu et surtout au Christ lui-même.
Ce que je suis comme prêtre et ce à quoi je suis appelé comme prêtre me dépassent absolument. Ce n’est pas mon affaire. Entre la mission qui m’est confiée et ce que je suis par moi-même, il y a une radicale disproportion, qui n’est franchie que par la grâce de Dieu. Et elle l’est ! Ah ! comme elle s’applique à nous, la formule de Paul : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour la confusion de ce qui est fort ! » (1Co 1, 27b).
De par son triple ministère prophétique, sacerdotal et pastoral, le prêtre est en quelque sorte dépossédé de lui-même. Et cela dans une double direction. En direction de Jésus tout d’abord, dont il sera le simple porte-parole, à l’Eucharistie duquel il sera voué et dont il devra rendre présente la charité pastorale. Et en direction du peuple qui lui est confié et à qui il sera donné comme prophète, comme célébrant dans la liturgie et comme pasteur.
Cette dépossession de soi par le ministère s’exprime logiquement sur les trois plans où l’homme est porté spontanément à s’assurer de lui-même, à s’affirmer, à savoir l’exercice autonome de la liberté, la jouissance sexuelle et la transmission de la vie, et enfin la possession de biens terrestres. D’où une triple dépossession du prêtre par son sacerdoce, celle de l’obéissance, celle de la chasteté et du célibat, et celle de la pauvreté.