Mon Dieu, il s’en faut, hélas ! que votre nom soit sanctifié et béni par tous les hommes.
Puissé-je alors le dire pour dix, pour cent, pour tous ceux qui ne disent pas cette sainte parole. Il y a, en effet, tous ceux qui ne vous connaissent pas, ceux qui ne veulent pas vous reconnaître parce que vous les gênez et qui, sans oser le blasphème, affectent de ne pas savoir et font les ignorants. Leur péché d’omission est grave, la louange qu’ils vous refusent, alors qu’ils voient vos oeuvres, sera pour eux le genre de châtiment qui les fera souffrir. Ils étaient faits pour chanter vos louanges pendant l’éternité, leur mutisme sera leur peine.
Je suis à quelques jours, peut-être à quelques heures de ma mort. Dieu est bien bon qui me donne une grande paix et cette joie de l’esprit dont parle l’auteur de l’Imitation. Il n’y a rien pour la nature : le corps est brisé, le coeur est meurtri, mais l’âme est dans les hauteurs. Je ne cesse de remercier le bon Dieu qui, dans son immense bonté, m’a redonné tant de ferveur. J’aurais pu mourir, sinon dans le péché, du moins dans une tiédeur que la trop grande activité extérieure risquait d’entraîner. Or la paille des cachots, le jeûne le plus rigoureux, les humiliations et les misères de toutes sortes, la solitude, tout ce que Dieu dans sa Providence a permis pour mon bien, joint à la prière et à l’oraison continuelle, m’ont conduit sur des sommets où il fait beau et bon. Ma vie depuis deux ans n’a été qu’une messe continue et ce sera bientôt, après l’immolation du Calvaire, la communion la plus intime et l’action de grâces éternelle.