La théologie civile n’a, au bout du compte, aucun Dieu, mais seulement la « religion » ; la « théologie naturelle » n’a aucune religion, mais seulement une divinité. La philosophie, pas encore séparée de la physique, découvre la vérité du réel et ainsi aussi la vérité sur l’être divin. La religion suit son chemin de manière indépendante ; pour ce faire, il ne lui importe pas d’adorer ce que la science découvre comme le Dieu véritable ; elle se place plutôt en dehors de la question de la vérité et se subordonne uniquement à sa propre légalité religieuse.


La composante décisive du polythéisme, qui en fait un polythéisme, n’est pas l’absence d’absolu, mais l’idée selon laquelle l’absolu en soi et en tant que tel n’est pas invocable par l’homme. C’est par cela qu’il doit se résoudre à invoquer les reflets finis de l’absolu, les dieux, qui ne sont justement pas « Dieu », même pas pour lui. L’essence du monothéisme, comme on l’a montré, consiste justement à se risquer à appeler l’absolu en tant qu’absolu, en tant que Dieu qui est en même temps l’absolu en soi et le Dieu de l’homme. Autrement dit : l’audace du monothéisme est d’en appeler à l’absolu – le « Dieu des philosophes » – et de le considérer comme le Dieu des hommes – « d’Abraham, Isaac et Jacob » ! –.