Paris, coll. « Le Livre de Poche », Editions Grasset & Fasquelle, 1986.

Mary Balmary, née en 1953, est psychologue clinicienne de formation universitaire, psychanalyste de formation lacanienne et chercheuse.


Devient fils qui peut devenir libre de ses parents. Nous avons des enfants. Un jour, nous « avons eu » des enfants, nous ne les avons plus ; ils sont fils et filles, libres. S’ils ne deviennent pas « libres de nous  », malheur à eux et à nous. Il ne suffit pas à l’humain comme à l’animal de s’éloigner de ses parents. Il lui faut devenir libre d’eux, c’est-à-dire être reconnu par eux ou par leurs substituts, et par lui-même, comme libre. p. 125.


Les relations humaines ont trois temps, lier, délier, allier. Et il dépend en effet du « religieux » que nous soyons liés, déliés, alliés. La psychanalyse, un « métier impossible » selon Freud (avec éduquer et gouverner) ; selon Lacan, un métier exerçable seulement par le saint ; si l’on vous dit que c’est simple et que vous en doutiez, peut-être n’aurez vous pas raison : mais si l’on vous dit que c’est facile, et que vous ne le croyiez pas, vous n’aurez pas tort.
Cette vision-là du thérapeute – et peut-être aussi, finalement, du saint – délivre d’un grand poids : celui de la perfection. L’analyste n’a pas à être d’abord exemplaire lui-même : faire tout bien, ne pas commettre de faute, selon le modèle moralisant de la religion ordinaire ; il n’a pas non plus à être épanoui, bien dans sa peau, selon le modèle tout aussi moralisant de nos psychologies. Il n’a pas à être quelque chose, pour être thérapeute, mais seulement (si je puis dire, car c’est beaucoup) savoir se placer comme autre. Accepter que l’autre ne soit pas lui, à lui, comme lui ; et aussi que l’autre ne soit pas lui-même prêt à reconnaître quelqu’un dans l’altérité. pp. 221-222.


La conscience humaine ne s’est pas fabriquée par possession et maîtrise mais par dépossession et délivrance. Que seraient des êtres qui ne seraient pas nés d’une différence et donc qui n’auraient aucun tiers garant de leur différenciation ? Quel accès à la Parole auraient-ils ? L’avertissement doit être repris, après tant d’autres, après Lacan : tout être qui est conduit au langage sans pouvoir se l’approprier librement, qui ne peut habiter seul son propre nom, est condamné à la violence. p. 332.