L’amour est naturellement pour l’homme un acte de possession. Il est en lui une puissance d’annexion et d’expansion.

Il donne d’instinct son nom à ce qu’il aime : directement comme à la femme qu’il épouse, indirectement, en cherchant l’estime dans son travail, la popularité dans les groupes humains où il agit, la gloire dans les mouvements qu’il assume.

Il est certes capable de dévouement et de désintéressement profond mais, ce sera, presque toujours, en allant à contre-courant de sa tendance profonde.


Sa vocation de créature demande à l’homme, vis-à-vis de Dieu, les attitudes opposées à ses aptitudes naturelles. Fait pour posséder, il doit se laisser posséder, fait pour commander, il doit se soumettre, fait pour communiquer la vie, il doit la recevoir. D’où plus de difficultés pour lui à devenir foncièrement religieux, mais moins de risque de sombrer dans la religiosité.


La femme découvre le trésor enfoui dans le champ que personne ne connaît, elle connaît cet être avec toutes ses possibilités et pressent qu’il est incapable de réaliser seul sa destinée ; l’amour, c’est cette vision, le rêve de Dieu sur un être. C’est aussi ce grand désir que l’homme ait besoin d’elle, l’appelle, lui demande son offrande.


Ne pas être prêts, ou se rendre prêts à suivre les temps, est aujourd’hui par rapport à Dieu un vol ; par rapport à l’Eglise, le plus nuisible des sabotages. Il faut tous nos minuscules et cruels consentements pour qu’un quart de l’humanité puisse continuer à mourir de faim. L’ « apostasie de la classe ouvrière » est sans doute le résultat des innombrables petits larcins et des innombrables malfaçons commis par des chrétiens trop occupés de qu’ils faisaient pour découvrir ce qu’ils devaient faire.


On réalise quel pain sec est la justice quand la bonté ne la précède pas ou ne l’accomplit pas. Quand les bienfaits publics sont octroyés à l’occasion d’un accident, quand ils viennent aider les charges d’une naissance, quand ils accompagnent la vieillesse, primes, pensions, allocations, prestations répondent à une justice, accroissent les différences extrêmes avec les grands pays pauvres, mais elle ne remplace aucunement la bonté. Ce n’est pas Jacques ou Jean qui, dans son malheur ou son bonheur, est aidé lui-même. C’est sa condition ; c’est sa situation. Des dispositions collectives règlent des catégories collectives. Je me garde bien de critiquer ce que la société réalise ainsi de justice. La critique est mieux employée à provoquer ce qui n’est pas réalisé encore. Je veux dire que la bonté est autre chose, fait autre chose.