RAISON / λόγος, νοῦς
Ayant perdu le sens de la relation des êtres à Dieu, et donc de leur caractère relatif, l’homme en fait inévitablement des absolus, et ils occupent alors dans son esprit la place de Dieu qu’il a nié. Le culte des créatures remplace ainsi chez l’homme déchu l’adoration du Créateur. L’idolâtrie ne consiste pas seulement dans les formes religieuses organisées qu’elle a souvent prises, où des créatures sont explicitement définies comme dieux, mais dans toute attitude de l’homme vis-à-vis d’un être où celui-ci est pris comme fin, se voit conférer un sens et une valeur en lui-même, au lieu qu’ils lui soient reconnus en Dieu ; et aussi dans toute activité, tout effort consacrés à un être pris en lui-même, au lieu qu’ils soient consacrés à Dieu à travers lui.
DESIR / επιθυμία
Dans ses relations avec les créatures, l’homme n’a plus Dieu en vue, mais son propre plaisir, et n’a plus pour norme que ses propres désirs sensibles. Il ne considère ni ne traite plus les êtres relativement à leurs logoi, leurs « raisons spirituelles », mais relativement au degré de son désir à leur égard, et c’est à l’intensité du plaisir qu’il peut tirer d’eux qu’il définit leur importance et mesure leur valeur. Le monde devient ainsi pour l’homme une projection fantasmatique de ses désirs, les créatures des moyens de satisfaire ses passions, des instruments de sa jouissance sensible. Les relations de l’homme avec tous les êtres de la création et avec ses semblables eux-mêmes se trouvent ainsi totalement perverties puisque ceux-ci perdant à ses yeux leur valeur spirituelle se trouvent réduits à des objets de jouissance donnés en pâture à ses multiples passions. Les rapports entre les humains deviennent au fond des rapports d’objets à objets livrés aux caprices des désirs et des plaisirs sensibles.
Déçu après la satisfaction de chacun de ses désirs sensibles, continuant à ressentir au plus profond de lui-même un manque, une inadéquation entre la réalité atteinte et ses aspirations fondamentales (qu’il ressent sans cependant en connaître le sens véritable), il court d’objet en objet, épuise l’une après l’autre les différentes sphères de ce monde, sans jamais trouver à sa quête de terme définitif. L’homme déchu vit ainsi dans un état de frustration permanente, d’insatisfaction ontologique perpétuelle. Même si la satisfaction de quelque désir lui donne de temps à autre pour un instant l’illusion d’avoir trouvé ce qu’il cherchait, l’objet de désir qu’il avait pris un moment pour un absolu finit par se révéler à lui dans ses limites et son caractère relatif ; et se découvre tout le vide qui le sépare de l’absolu véritable. La tristesse alors se fait plus intense dans son cœur, expression de son inquiétude devant ce vide qu’il ressent, manifestation de la frustration profonde qu’il éprouve. Cette frustration, il croit pouvoir lui porter remède par cela-même qui en est en vérité la cause : au lieu de reconnaître que ce vide qu’il ressent est celui de l’absence de Dieu en lui, et que par conséquent seul Dieu est en mesure de le combler, il veut y voir un appel à la possession et à la jouissance de nouveaux objets sensibles qui, croit-il toujours, pourraient le satisfaire. Pour éviter la douleur qui suit chaque plaisir et pour mettre fin à la frustration profonde de son désir d’infinie jouissance, l’homme déchu persévère dans la course effrénée des désirs sans cesse à la recherche de nouveaux plaisirs, collectionne et multiplie les plaisirs pour essayer de reconstituer la totalité, la continuité et l’absoluité dont il conserve la nostalgie, croyant, dans son illusion, trouver l’infini dans l’indéfini.
AGRESSIVITE / θυμός
La puissance agressive est en fait liée, quant à l’orientation qu’elle reçoit, à l’orientation que l’homme donne aux deux autres principales puissances de son âme : l’intelligence et le désir, dont elle contribue à réaliser les buts. C’est ce que montre bien saint Nicétas Stéthatos : « La puissance agressive est intermédiaire entre le désir et la raison de l’âme. Elle est comme une arme en chacun dans son mouvement contre nature ou selon la nature. Quand le désir et la raison se meuvent selon la nature vers le divin, la puissance agressive est en chacun une arme de justice contre le seul serpent qui leur souffle et leur propose de prendre part aux plaisirs de la chair et de jouir de la gloire des hommes. Mais quand ils se détournent de leur mouvement naturel, quand ils dénaturent leur puissance, quand de la considération des choses divines ils se portent vers les choses humaines, la puissance agressive est une arme d’injustice qui sert le péché. Alors par elle le désir et la raison combattent et attaquent ceux qui cherchent à renverser leurs impulsions et leurs convoitises. »
LIBERTE / ελευθερία
Par l’usage pervers de sa liberté, l’homme devient esclave du péché, captif des désirs et des plaisirs sensibles vers lesquels il s’est tourné, asservi aux fausses divinités qu’il s’est fait des créatures. L’homme déchu vit en fait rivé à la chair, est dominé par la loi de celle-ci, est asservi à ses sens, subit la tyrannie de ses désirs, est assujetti à la recherche de la jouissance et à la crainte de la souffrance, est le serviteur de ses vices, bref est l’esclave de ses passions. Celles-ci exercent sur lui une véritable tyrannie dont son âme est captive. Dans cet état, l’homme n’est plus lui-même. Il est totalement parasité par les passions que son péché a introduites en lui. Mû par ces tendances étrangères à sa nature originelle et essentielle, l’homme est aliéné.
MEMOIRE / μνήμη
L’oubli de Dieu joue dans la chute de l’homme, aux côtés de l’ignorance de Dieu avec laquelle il va de pair, un rôle central. C’est ainsi que saint Grégoire Palamas voit dans l’abandon de la « mémoire et de la contemplation de Dieu » l’essence du péché ancestral.
IMAGINATION / φαντασία
Dans la vie intérieure de l’homme déchu, l’imagination occupe une place d’autant plus grande et joue un rôle d’autant plus néfaste qu’elle s’exerce en relation étroite avec les passions.
Les ascètes savent depuis toujours que les rêves sont formés par l’imagination en fonction des dispositions du corps et de l’âme, et dans ce dernier cas, soit comme des assemblages de résidus mnésiques le plus souvent liés aux occupations et préoccupations de l’état de veille précédent, soit comme des moyens de satisfaire les désirs de la puissance concupiscible, soit, relativement à la puissance irascible, en réponse à sa colère ou à sa crainte s’il s’agit de cauchemars.
PASSION – MALADIE / πάθος – πάθημα
En détournant de Dieu les différentes facultés de son âme et de son corps et en les orientant vers la réalité sensible pour y rechercher le plaisir, l’homme fait naître en lui les passions encore appelées vices.
LA PHILAUTIE / φιλαυτία
En niant Dieu par l’amour exclusif de lui-même, le philautique se nie lui-même dans son être essentiel, renonce à son destin divin et se coupe de la source de sa vie véritable, accomplissant un suicide spirituel.
LA GASTRIMARGIE / γαστριμαργία
La gastrimargie constitue une véritable perversion de cette finalité essentielle de la nourriture qui est d’être consommée eucharistiquement, puisque dans cette passion, l’homme, au lieu de jouir de ces aliments en Dieu et de jouir de Dieu à travers eux, veut jouir des aliments en eux-mêmes, en dehors de Dieu. Par eux il met une barrière entre lui-même et Dieu au lieu de les utiliser comme un support pour s’élever jusqu’à Lui.
LA LUXURE / πορνεία
Le désir exclusif de plaisir sexuel qui caractérise la luxure, mobilise la puissante désirante de l’homme et la détourne de Dieu qui devrait constituer son but essentiel. Obnubilé par la jouissance sensible que sa passion lui procure, l’homme se prive de la jouissance spirituelle des biens supérieurs du Royaume.
L’homme ne voit plus le centre de son être dans l’image de Dieu dont il est porteur, mais dans ses fonctions sexuelles. Il se réduit en quelque sorte à celles-ci. L’homme se trouve ainsi décentré et vit en dehors de lui-même ; il est aliéné. N’étant pas, comme il se devrait, subordonné à l’amour spirituel, la fonction sexuelle vient à occuper en l’homme une place démesurée voire exclusive, et substitue à l’amour le désir brut et instinctif.
L’autre, dans la luxure, n’est pas rencontré comme une personne, n’est pas saisi dans sa dimension spirituelle, dans sa réalité fondamentale de créature à l’image de Dieu : il se trouve réduit à ce qui, dans son apparence extérieure est susceptible de répondre au désir de jouissance du passionné ; il devient pour celui-ci un simple instrument de plaisir, un objet.
LA PHYLARGIE – LA PLEONEXIE / φιλαργυρία – πλεονεξία
La phylargie et la pléonexie détruisent encore la charité et pervertissent les relations avec autrui en portant celui qu’elles habitent à ne plus voir dans son prochain qu’un obstacle à la conservation des richesses possédées ou qu’un moyen d’en acquérir de nouvelles.
LA TRISTESSE / λύπη
La tristesse apparaît comme un état de l’âme fait de découragement, d’asthénie, de pesanteur et de douleurs psychiques, d’abattement, de détresse, d’oppression, de dépression, accompagné le plus souvent d’anxiété ou même d’angoisse.
Outre qu’elle enfante presque inévitablement le désespoir et ses graves conséquences si on la laisse se développer, cette passion produit dès ses premières manifestations des attitudes passionnées telles que l’aigreur, la méchanceté, la rancœur, l’amertume, la rancune, l’impatience. De ce fait, elle perturbe gravement les relations de l’homme avec son prochain.
L’ACEDIE / ακηδία
L’acédie correspond certes à un certain état de paresse et à un état d’ennui, mais aussi de dégoût, d’aversion, de lassitude, et également d’abattement, de découragement, de langueur, de torpeur, de nonchalance, d’assoupissement, de somnolence, de pesanteur, du corps aussi bien que de l’âme, l’acédie pouvant même pousser l’homme au sommeil sans qu’il soit réellement fatigué.
LA COLERE / οργή
C’est lorsque l’homme se trouve blessé dans son amour-propre, lorsqu’il se sent humilié, offensé, déconsidéré (notamment par rapport à l’image avantageuse qu’il a de lui-même et qu’il attend que les autres lui renvoient), qu’il se porte aux différentes formes de colère. Si bien que ce qui paraît être la cause extérieure de la colère et la motiver véritablement n’est en fait que le révélateur ou le catalyseur d’une colère qui procède directement du sujet lui-même, de son orgueil.
L’homme en proie à l’agressivité cesse alors de percevoir le réel comme il est pour le voir tel qu’il n’est pas : sa passion produit en lui une connaissance délirante et modifie corrélativement sa manière de se comporter face à la réalité.
LA CRAINTE / φόϐος
La crainte révèle une relation pathologique de l’homme à Dieu. Craignant de perdre quelque bien de ce monde et quelque plaisir sensible au lieu de craindre de perdre Dieu et ainsi de se perdre lui-même, l’homme se détourne de Dieu, la source de sa vie, le principe, et de la fin de son être, le sens de son existence, et place le centre de ses préoccupations dans la réalité sensible qui devient pour lui l’Absolu. Tout le processus du péché ancestral, on le voit, se retrouve dans cette attitude, avec, évidemment toutes ses conséquences.
Mais Dieu, dans la crainte, n’est pas seulement oublié comme principe et fin de l’être et de la vie, comme sens et centre de l’existence : il est également nié, ignoré, refusé dans l’action providentielle et la protection bienveillante qu’il exerce à l’égard de chaque être. La crainte révèle l’illusion qu’a l’homme d’être livré à lui-même, de ne pouvoir ou de ne devoir compter que sur ses propres forces, d’être démuni de l’aide de Dieu.
LA CENODOXIE / κενοδοξία
La cénodoxie possède un extraordinaire pouvoir. Son caractère subtil, sa capacité à revêtir de nombreuses formes, à se glisser partout et à attaquer l’homme par divers côtés, la rendent particulièrement difficile à percevoir et à combattre. Tout en effet peut constituer pour l’homme un sujet de vanité, et Evagre se montre étonné de l’habileté des démons à profiter de cette situation. « Les anciens, écrit saint Jean Cassien, ont joliment décrit la nature de cette maladie en la comparant à un oignon : quand on lui ôte une peau, on en retrouve aussitôt une autre, et autant on en retire, autant on en retrouve. » Et saint Jean Climaque explique : « Le soleil brille pour tous également, et la vaine gloire trouve à se réjouir de toutes nos activités. Par exemple, je tire vanité de mon jeûne, puis, quand je le suspends pour ne pas être remarqué, je me glorifie de ma prudence. Quand je porte de beaux vêtements, je suis vaincu par la vaine gloire, et quand j’en prends de pauvres, j’en tire encore vanité. Quand je parle je suis vaincu par elle, et quand je garde le silence, elle me domine encore. Il en est d’elle comme de ces pièges à trois pointes ; de quelque façon que tu la jettes, elle tient toujours dressée l’une de ses pointes. »
L’ORGUEIL / ὑπερηφανία
L’orgueil pousse l’homme à se mesurer lui-même à son prochain et avant d’affirmer sa supériorité par rapport à lui, à affirmer ce qui l’en distingue, à s’en croire différent fondamentalement. L’homme par l’orgueil éprouve le besoin de se comparer, d’établir des hiérarchies, avant de conclure à sa supériorité, absolue ou relative dans tel ou tel domaine voire dans tous ceux qu’il se représente. Pour cela, il est porté notamment à juger défavorablement son prochain et à critiquer presque systématiquement sa façon de penser et de vivre.
SALUT – GUERISON / σωτηρία
Le Christ est considéré comme médecin non seulement de la nature humaine en général dans le cadre de la théologie de la rédemption de l’humanité entière, mais également célébré et invoqué comme tel par/pour chaque personne désireuse d’obtenir de Lui la guérison de ses maux particuliers ou de ceux de son prochain.
Dieu, respectueux de la liberté de l’homme, ne saurait en effet lui imposer Sa grâce et le transformer sans qu’il le choisisse et le veuille de tout son être ; Il ne saurait se substituer à lui et agir à sa place. « L’homme, écrit saint Macaire le Grand, possède par nature l’activité volontaire, et c’est celle-ci que Dieu exige. L’Ecriture prescrit donc qu’en premier lieu l’homme réfléchisse, qu’ayant réfléchi, il aime, enfin qu’il agisse volontairement. Quant à la motion exercée sur l’intelligence, au support du labeur, à l’accomplissement de l’œuvre, c’est la grâce de Dieu qui l’accorde à celui qui veut et qui croit. La volonté de l’homme est donc un auxiliaire lié à sa substance. Sans cette volonté, Dieu lui-même ne fait rien, bien qu’Il le puisse, par respect du libre-arbitre de l’homme. L’efficacité de l’opération de Dieu dépend donc de la volonté de l’homme. »
REPENTIR / μετάνοια
Dans le remords, l’homme perpétue le péché sous un autre mode, se rend malade d’une autre façon. Il reste centré sur la faute commise et sur son état, ne parvient pas à s’en détacher. Dans le repentir au contraire, c’est Dieu que le pécheur a en vue. Ce n’est pas à cause du péché lui-même qu’il ressent de la douleur, ce n’est pas pour son « moi » blessé qu’il se montre triste : s’il souffre, c’est parce qu’il s’est par sa faute séparé de Dieu, c’est parce que son état de péché le maintient éloigné de lui. La pénitence exclut ainsi tout sentiment pathologique de culpabilité qui angoisserait ou paralyserait celui qui en fait preuve.
ORAISON / προσευχῇ
L’homme peut par la prière s’acheminer vers une guérison totale des maladies de son âme et recouvrer la santé. Corrélativement, la prière permet à l’homme d’accéder à la connaissance de sa nature véritable, de se voir dans sa réalité spirituelle d’image de Dieu. Elle apparaît dès lors comme l’une des clés principales de la connaissance adéquate du prochain, mais aussi de toute réalité.
CONVERSION / επιστροφή
Dans les vertus comme dans les passions, ce sont les mêmes organes, puissances, facultés, qui sont à l’œuvre : la vertu correspond à leur usage sain, conforme à leur finalité naturelle et normale, c’est-à-dire orienté vers Dieu ; la passion correspond à leur usage pervers, pathologique, à leur orientation vers une fin qui n’est pas conforme à leur nature et consiste en une réalité sensible ou charnelle. Pour cette raison, le passage des passions aux vertus n’implique pas un non-usage, une mortification voire une destruction de ces organes, puissances ou facultés mêmes, mais consiste dans leur réorientation, dans leur retournement vers leur « objet » naturel et premier : les réalités spirituelles, le Bien, Dieu.
PRAXIS / πρᾶξις
La conversion des puissances, facultés, énergies, motions de l’homme par laquelle s’effectue le passage de la maladie des passions à la santé des vertus s’accomplit en deux mouvements simultanés : le premier consiste à les détourner du mal, autrement dit à cesser d’en faire un usage mauvais, à les désinvestir des réalités charnelles ; le second à les tourner vers les réalités spirituelles, à les réinvestir en Dieu.
TEMPERANCE / ἐγκράτεια
La tempérance s’exerce sur toutes les manifestations corporelles ou psychiques qui peuvent répondre aux désirs passionnés et à leur recherche de plaisir : elle vise donc à maîtriser les impulsions du corps mais aussi et avant tout les pensées et les phantasmes.
La tempérance prend donc la forme d’une « garde de l’âme » autant que d’une « garde du corps ».
COURAGE / ἀνδρεία
Il n’y a pas de vie spirituelle sans combat ; sans engager toute sa force, l’homme ne peut recevoir la force que Dieu lui donne ; sans courage, il ne peut s’opposer aux attaques permanentes des ennemis de son salut, il ne peut affronter les multiples pièges qu’ils lui tendent. Si la prudence doit éclairer son chemin, c’est pour une grande part l’irascibilité qui lui permet d’y progresser.
PRUDENCE / φρόνησῐς
La prudence est la protectrice des vertus en même temps qu’elle met l’homme à l’abri des atteintes du mal. Plus généralement la prudence-discrétion permet à l’homme de connaître son état intérieur et de se situer quant à son progrès spirituel, lui donnant notamment de voir le chemin parcouru et de mesurer celui qui reste à faire.
PERE SPIRITUEL / πνευματικος πατερ
La nécessité de la direction spirituelle tient tout d’abord à la difficulté qu’a l’homme de se connaître lui-même et de se juger adéquatement, et cela tant qu’il n’a pas atteint la pureté de l’impassibilité, laquelle est la clé de la plénitude du discernement et de la connaissance de soi.
Les principaux obstacles au progrès spirituel sont constitués par les passions, qui sont autant de maladies spirituelles. C’est pourquoi le rôle du père spirituel, en aidant celui qu’elles affectent à en être délivré, revêt fondamentalement un caractère thérapeutique. L’exercice de la paternité spirituelle est ainsi très souvent assimilé par les Pères à une médecine des âmes analogue à la médecine des corps.
Soigner et guider spirituellement d’autres hommes n’est pas chose aisée. La complexité de l’âme humaine, sa nature même, la hauteur du but à atteindre, mais aussi le caractère le plus souvent caché et imperceptible de l’extérieur des réalités spirituelles en cause, ainsi que la nature particulière du combat à mener contre des adversaires redoutables et invisibles, sont autant de raisons pour lesquelles la médecine spirituelle est un art plus difficile que la médecine des corps.
L’orgueil se traduit par un certain nombre d’attitudes : confiance en soi, autosatisfaction, arrogance, assurance, prétention de savoir, confiance en son propre jugement, certitude d’avoir raison, manie de se justifier, esprit de contradiction, volonté d’enseigner, de commander, refus de se soumettre. C’est en s’efforçant d’adopter des attitudes contraires que l’homme pourra, sur ce plan, combattre l’orgueil : haine de la volonté propre, défiance de son propre jugement, renoncement à l’autojustification, blâme de soi, refus de contredire, refus d’enseigner et de commander, attitudes qui se trouvent toutes accomplies dans l’obéissance au Père spirituel, et qui permettent à l’homme, comme le dit saint Dorothée de Gaza, « de se reprendre et de revenir à l’état de nature. »
Pour éviter la première forme d’orgueil qui consiste à se considérer comme supérieur aux autres, ou du moins à d’autres, et à les mépriser, l’homme devra s’attacher avant tout à remarquer en eux ce en quoi ils lui sont supérieurs, à refuser de voir leurs défauts et à valoriser leurs qualités.