C’est une déclaration d’amour à la blanche Dame. Et c’est l’aveu de ma conversion. Non pas que je fusse visité par la grâce de la foi depuis l’incendie. Mais je crois plus que jamais (et j’y crois davantage qu’hier où le brasier ne s’était pas allumé) en la chance de la France d’être une fille chrétienne. Je n’irai plus gaudrioler sur le toit des églises. A présent, les mécréants de mon type doivent pousser leurs portes, s’avancer sous les voûtes et se dire ceci : même si le ciel est vide, il est heureux que des Hommes aient inventé cette religion, plus lumineuse que les autres.

Notre-Dame n’est pas rancunière et ne discrimine pas, car elle n’est pas laïque. Puisse le sourire de la Bonne Vierge continuer à veiller sur les hommes qui croient en elle et sur ceux qui n’y croient pas.

S’il venait à s’effacer, qu’aurions-nous à offrir en remplacement ?

Des grimaces de ouistitis sur le parvis.

Or, le contentement de soi ne fait pas une civilisation.


J’avais passé ma vie à courir les montagnes, à me dépenser sans compter, et voilà qu’à quarante-deux ans j’étais à la peine dans un escalier. Une vie sur la route pour en arriver là ! Je me sentais affreusement mélancolique. Ces escaliers, je les considérerai toujours comme l’expression la plus radicale de la sanction du destin. Chaque marche sonnait le rappel : on ne doit pas disposer légèrement de sa vie.


Je renonçai à compter le nombre de flèches d’église qui piquetaient la ville. Elles étaient plantées comme des banderilles dans les toits. Je me souvenais d’un récent débat national : nos hommes politiques avaient légiféré pour interdire que l’on dispose des crèches de Noël dans les mairies. Les flèches de la France chrétienne, elles, étaient encore debout. Les arracherait-on un jour pour satisfaire au principe de laïcité ? On faisait l’effort d’oublier que le pays avait des racines. Il restait les croix dans le ciel.


Que signifie l’effondrement ? Y a-t-il le moindre enseignement à tirer d’un brasier ? Il est peut-être temps de se calmer. Trop d’empressement à faire table rase mène peut-être à ce genre de désastre. Et si l’effondrement de la flèche était la suite logique de ce que nous faisons subir à l’Histoire ? L’oubli, le ricanement, la certitude de nous-mêmes, l’emballement, l’hybris, le fétichisme de l’avenir… et, un jour, les cendres.

Peut-être un peuple va-t-il se porter au chevet de sa reine ? Peut-être va-t-il se souvenir qu’il n’est pas né hier ? Mais peut-être rien ne changera-t-il et continuerons-nous à nous espionner les uns les autres, à nous haïr, à nous conspuer.

Alors, on se dira que la flèche a bien fait de se retirer.