Accompagner au quotidien les soldats en opération est chose sublime. Ce cheminement spirituel de mission en mission, d’échec en échec, car rien n’est jamais acquis ni gagné, m’a permis de découvrir quelque chose à la fois simple et grandiose : la foi du soldat. C’est celle d’un enfant. Celle où le oui est un oui et où le non est un non. C’est la foi du centurion que Jésus a récompensé d’un regard attendri et d’une déclaration admirative : « En vérité, je vous le dis, chez personne je n’ai trouvé une telle foi » (Mt 8, 11). C’est aussi la foi d’un autre centurion, celui qui s’est écrié devant la dépouille mortelle du Christ sur la Croix : « Vraiment cet homme était fils de Dieu » (Mc 15, 39). C’est dans cette foi spontanée et profonde du soldat que le prêtre et l’aumônier militaire que je suis, puise depuis longtemps ses forces au quotidien.


La rusticité de la vie, l’imminence d’une offensive terrestre, la menace permanente d’une éventuelle attaque, chimique ou autre, tout cela fait que les hommes, du 2e classe au colonel, vivent une cohésion presque impensable en temps de paix dans une garnison en France. J’ai même l’impression qu’à la place des liens hiérarchiques se nouent des liens d’amitié qui, contrairement aux préjugés, n’entravent ni la discipline, ni l’efficacité opérationnelle des troupes. Je vérifie une fois de plus que l’amour est conciliable avec l’ordre et la discipline.


L’aumônier opérationnel doit être un homme de prière. La joie qu’il puise dans l’Evangile trouve ses origines dans la personne de Jésus-Christ. Son intensité dépend des contacts d’intimité amoureuse permanents avec celui qui est Prêtre par excellence, Frère, Ami et Sauveur. La prière quotidienne où tout est dit, confié et médité en profondeur, est autrement indispensable que la nourriture qui fait vivre. La prière d’intercession, celle qui prolonge les contacts avec les frères qui souffrent, découle tout droit d’une sincère compassion et conduit naturellement vers une communion de plus en plus profonde. La prière de louange et d’action de grâces s’imposera automatiquement au « vu » des merveilles accomplies par le Seigneur.

L’aumônier opérationnel est un homme de contact et de communication. Il est évident que toute communication qui ne passe pas par le mystère de l’autre est condamnée à n’être qu’un monologue enflé ou un bavardage des plus creux. Une humble écoute attentive, ainsi qu’une authentique mise en confiance, sont des préalables à la communication. Par sa position trans-hiérarchique et par la disponibilité que lui laisse l’absence de mission formelle autre que celle qu’il reçoit de l’évêque qui l’envoie, l’aumônier est un vecteur exceptionnel de communication entre tous les échelons hiérarchiques. Dans tous les instants dramatiques (périodes de risques aigus, de dangers, de mort), l’aumônier apporte, par sa présence rassurante et son action, un appui considérable qui consolide l’édifice collectif de l’unité.

L’aumônier opérationnel est un homme de terrain. Sa place n’est pas dans un bureau bien climatisé mais sur le terrain. L’homme de terrain, j’entends par là un permanent « vivre avec » : avec tout le monde, sans distinction de grade ni de fonction, partout, dans n’importe quelles conditions, surtout auprès de ceux qui ont le plus besoin de lui ou de ceux qui ont le plus de mal à venir vers lui. Le terrain est sa paroisse de prédilection, son lieu de prière, son témoignage d’Evangile, son mode de fonctionner, sa manière de vivre, sa façon d’être, bref son élément naturel.