Les récits bibliques, en effet, sont souvent bien plus proches des oeuvres d’art, telles que la Pietà de Michel-Ange, que des rubriques de presse ou des journaux télévisés. Ils ne visent pas tant à l’exactitude de la chronique fidèle et détaillée, ils cherchent plutôt – et en premier lieu – à transmettre un message existentiel à propos des événements qu’ils décrivent. En clair, ils veulent « former » plus qu’« informer ». La « signification » de l’événement raconté est plus importante que le « fait à l’état brut ». Le rapport des textes bibliques avec la « réalité » historique est complexe, certainement plus complexe que le rapport entre un reportage télévisé et un fait d’actualité.
Le mont Sinaï, la montagne où Israël est devenu un « peuple » et une « nation » lorsqu’il a « conclu » une alliance avec son Dieu, se trouve dans le désert et non dans la terre promise. Il s’agit toutefois d’une montagne plus importante que le mont Sion et que Jérusalem, puisque Israël est né au Sinaï et non sur le mont Sion.
De ce fait nous pouvons tirer une conclusion importante : Israël peut vivre comme peuple sans sa propre terre, sans monarchie et sans vrai temple parce que le peuple est plus ancien que la conquête de la terre, que la monarchie et que le temple de Salomon. Israël espère, bien sûr, posséder un jour une terre, avoir un roi et un temple. Mais, étant donné les circonstances, il fait de nécessité vertu et parvient à exister en tant que peuple dans cette condition transmise.
La Bible n’est pas un journal, mais un kiosque à journaux. Nous n’y trouvons pas une seule opinion, claire, simple, unilatérale et incontestable, mais différentes opinions qui se complètent dans certains cas, mais qui peuvent aussi se contredire dans d’autres. De cette manière, la Bible oblige son lecteur à ne pas « absolutiser » une seule opinion, mais à chercher au contraire la « vérité » dans l’ensemble des opinions et au-delà de celles-ci, dans une confrontation qui conduit à corriger sans cesse les avis partiels. La Bible n’est pas, pour continuer sur la même ligne, un journal intitulé « La voix de Dieu ». La voix de Dieu se fait entendre à travers toutes les voix humaines qui résonnent dans la Bible, dans un concert parfois harmonieux, parfois dissonant, parce que le chemin qui conduit à la vérité symphonique finale est long et peut passer par des moments de quasi cacophonie. Dieu, pour utiliser une autre image semblable, ne parle pas sur une seule « chaîne ». Il utilise différentes chaînes et la Bible nous fournit la télécommande qui donne accès à tous les postes.