Paris, Editions Flammarion, 2020.
Il faut un mouvement populaire conscient que nous avons besoin les uns des autres, que nous sommes à la fois responsables les uns des autres et envers le monde. Nous devons proclamer qu’être généreux, avoir la foi et travailler au bien commun sont de magnifiques objectifs de vie qui nécessitent courage et vigueur, que la superficialité désinvolte et la dérision systématique de la morale ne nous ont fait aucun bien. Les temps modernes, qui ont développé la liberté et l’égalité avec tant de pugnacité, doivent maintenant se concentrer sur la fraternité avec le même dynamisme et la même ténacité, pour faire face aux défis qui nous attendent. La fraternité permettra à la liberté et à l’égalité de prendre leur juste place dans l’orchestre. p. 19.
Dans la vie chrétienne, quand tu cherches la volonté de Dieu, il n’y a pas de solutions de compromis. Est-ce que cela signifie qu’un chrétien ne peut jamais faire de compromis ? Bien sûr que non ; parfois c’est la seule chose que tu peux faire pour éviter une guerre ou une autre calamité. Mais un compromis ne résout pas une contradiction ou un conflit. En d’autres termes, c’est une solution temporaire, un modèle d’attente, qui permet à une situation de mûrir au point de pouvoir être résolue par un chemin de discernement, au bon moment, en cherchant la volonté de Dieu. pp. 38-39.
Le fondamentalisme, en alliant pensée et comportement, forme un refuge protecteur pour les personnes en crise. Les fondamentalismes proposent de mettre les gens à l’abri de situations déstabilisantes en échange d’une sorte de quiétisme existentiel. Ils t’offrent une approche et un mode de pensée unique et fermé comme substitut au type de pensée qui t’ouvre à la vérité. Quiconque se réfugie dans le fondamentalisme a peur de s’engager sur le chemin de la vérité. Il « possède » déjà la vérité et la déploie comme une défense, de sorte que toute remise en question de celle-ci est interprétée comme une agression contre sa personne. pp. 84-85.
J’aime citer Gustav Mahler qui dit que « la tradition c’est la transmission du feu et non l’adoration des cendres ». pp. 88-89.
Comment mieux intégrer la présence et la sensibilité des femmes dans les processus de décision du Vatican ? Le défi pour moi a été de créer des espaces où les femmes peuvent diriger, mais d’une manière qui leur permette de façonner la culture, en veillant à ce qu’elles soient valorisées, respectées et reconnues. Les femmes que j’ai nommées sont là en raison de leurs compétences et de leur expérience, mais aussi pour influencer la vision et la mentalité du gouvernement de l’Eglise. Dans de nombreux cas, j’ai invité des femmes à être consultantes auprès des organes du Vatican, afin qu’elles puissent user de leur influence tout en préservant leur indépendance. Changer la culture institutionnelle est un processus organique qui demande d’intégrer, sans cléricaliser, le point de vue des femmes. pp. 101-102.
Pour rêver d’un avenir différent, nous devons choisir comme principe d’organisation la fraternité plutôt que l’individualisme. La fraternité, ce sentiment d’appartenance à l’autre et à l’ensemble, est la capacité de se réunir et de travailler ensemble sur un horizon commun de possibilités. Dans la tradition jésuite, nous appelons cela « union des cœurs et des esprits ». C’est une unité qui permet aux personnes de servir un Corps malgré les différences de points de vue, la séparation physique et l’ego humain. Une telle union préserve et respecte la pluralité, en invitant chacun à contribuer à partir de ses particularités, en tant que communauté de frères et de sœurs soucieux les uns des autres. pp. 104-105.
Jésus n’a pas fondé l’Eglise comme une citadelle de pureté ni comme un défilé constant de héros et de saints – bien que, grâce à Dieu, nous n’en manquions pas. C’est quelque chose de beaucoup plus dynamique : une école de conversion, un lieu de combat spirituel et de discernement, où la grâce abonde en même temps que le péché et la tentation. A l’instar de ses membres, l’Eglise peut être un instrument de la miséricorde de Dieu, car elle a besoin de cette miséricorde. De même qu’aucun de nous ne doit rejeter les autres à cause de leurs péchés et de leurs échecs, mais les aider à être ce qu’ils sont appelés à être, les disciples du Christ devraient aimer et écouter l’Eglise, la construire, en assumer la responsabilité, y compris dans ses péchés et ses échecs. Dans ces moments où l’Eglise se montre faible et pécheresse, aidons-la à se relever ; ne la condamnons pas et ne la méprisons pas, mais prenons soin d’elle, comme de notre propre mère. pp. 109-110.
La synodalité commence par l’écoute de tout le peuple de Dieu. Une Eglise qui enseigne doit d’abord être une Eglise qui écoute. Le Maître était un bon maître parce qu’il savait être un bon disciple (Ph 2, 6-11). Consulter tous les membres de l’Eglise est vital car, comme l’a rappelé le concile Vatican II, les fidèles dans leur ensemble sont oints par l’Esprit-Saint et « ne peuvent pas se tromper en matière de foi ». pp. 126-127.
On nous avait dit que la société n’était qu’un agrégat d’individus poursuivant chacun son propre intérêt, que l’unité du peuple n’était qu’une simple fable, que nous étions sans recours devant la puissance du marché et de l’Etat, et que le but de la vie était le profit et le pouvoir.
Mais maintenant, avec la tempête, nous voyons qu’il n’en est rien.
Nous ne devons pas laisser passer ce moment de clarification. Qu’on ne dise pas, dans les années à venir, qu’en réponse à la crise du coronavirus, nous n’avons pas su agir pour restaurer la dignité de nos peuples, retrouver notre mémoire et nous rappeler nos racines. pp. 148-149.
Se placer au-dessus du peuple conduit au moralisme, au légalisme, au cléricalisme, au pharisaïsme et à d’autres idéologies élitistes, qui ne connaissent rien de ta joie de te savoir membre du peuple de Dieu. Le rôle de l’Eglise est de servir Jésus-Christ pour rendre sa dignité au peuple, non pas en imposant ou en dominant, mais comme le fait le Christ, dans le lavement des pieds. C’est par le service et le don de l’espérance que l’Eglise restaure et maintient la dignité du peuple.
Il est temps maintenant que le peuple redevienne un sujet de sa propre histoire ; se rassemble, entende l’appel de l’Esprit et s’organise pour le changement. C’est le moment de restaurer une éthique de fraternité et de solidarité, en régénérant les liens de confiance et d’appartenance. Car ce qui nous sauve n’est pas un concept mais une rencontre. Seul le visage de l’autre est capable d’éveiller le meilleur de nous-mêmes. En servant les gens, nous nous sauvons nous-mêmes. pp. 159-160.
Au nom du peuple, le populisme refuse une participation juste de ceux qui appartiennent au peuple, laissant un groupe particulier s’arroger la véritable interprétation du sentiment populaire. Le peuple cesse d’être un peuple et devient une masse inerte manipulée par un parti ou un démagogue. Les dictatures commencent presque toujours de cette façon : elles sèment la peur dans le coeur des gens, puis proposent de les défendre contre l’objet de leur peur en échange de la confiscation du pouvoir de déterminer leur propre avenir.
Par exemple, un des fantasmes du nationalisme dans les pays à majorité chrétienne est de défendre la « civilisation chrétienne » contre des ennemis supposés, qu’il s’agisse de l’islam, des juifs, de l’Union européenne ou des Nations unies. Cette défense fait appel à ceux qui, souvent, ne sont plus religieux mais qui considèrent l’héritage de leur nation comme une sorte d’identité. Leurs craintes et leur perte d’identité ont augmenté alors que la fréquentation des églises a diminué.
La perte de la relation avec Dieu et la perte du sens de la fraternité universelle ont contribué à ce sentiment d’isolement et à la peur de l’avenir. Ainsi, des personnes irréligieuses ou superficiellement religieuses votent pour des populistes afin de protéger leur identité religieuse, sans se soucier du fait que la peur et la haine de l’autre ne peuvent être conciliées avec l’Evangile. pp. 176-177.
Pour rejoindre la cause et le mode opératoire des mouvements populaires, il faut de l’humilité et un peu d’austérité personnelle ; c’est un chemin de service, pas une route vers le pouvoir. Donc, si tu as un penchant pour la bonne chère, les voitures de luxe et autres, ne t’approche pas des mouvements populaires et de la politique (et, s’il te plaît, du séminaire non plus). Un style de vie sobre et humble dédié au service vaut bien plus que les milliers de followers sur les réseaux sociaux.
Notre plus grand pouvoir ne réside pas dans le respect que les autres ont pour nous, mais dans le service que nous pouvons offrir aux autres. p. 189.
François – Un temps pour changer …
Certes mais la (ou les) références ? Merci
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L’auteur est le pape François et le titre de son livre est « Un temps pour changer »
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Merci. Vous me pardonnerez mon « commentaire » déplacé : mais bien que recevant vos mises à jour je n’avais pas enregistré que le titre de chaque article est précisément le titre du livre d’où sont extraites les citations.
… Et avec mes meilleurs voeux pour une année 2021 sereine … dans un contexte plutôt délétère après une année 2020 surprenante.
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