L’homme n’est que par Dieu, et ce qu’il est, il l’est par Dieu. Parce qu’il est esprit et parce que, en tant qu’esprit, il est doté de la lumière de la raison, c’est-à-dire de l’image du Logos divin, il est capable de connaître. Parce que l’esprit est volonté, il est attiré par la bonté – la bonté pure et ses reflets terrestres –, il aime, il peut s’unir à la volonté divine et ainsi – et pas autrement – parvenir à la véritable liberté. 


Quand l’âme se connaît elle-même, elle connaît Dieu à l’intérieur d’elle-même. Or connaître ce qu’elle est elle-même et ce qui est en elle, cela ne lui est possible que grâce à la lumière divine.


L’humanité est un grand ensemble : avec une racine commune, orienté vers une fin, engagé dans un destin. Les anges ne forment pas une telle unité. Chacun d’eux se tient seul devant Dieu. Il n’existe pas non plus d’union semblable entre les individus d’une espèce animale. On y trouve certes des communautés de vie (familles, meutes), mais pas cette parenté solidaire par-delà l’espace et le temps.


Dans son intériorité comme dans le monde extérieur, l’homme trouve des indices de quelque chose qui est au-dessus de lui et de tout, dont lui-même et tout dépendent. Questionner cet être, autrement dit rechercher Dieu, est constitutif de l’être humain. Discerner avec précision jusqu’où il peut, dans cette recherche, avancer par ses moyens naturels, c’est une tâche qui relève aussi de la philosophie : une tâche dans laquelle se rejoignent anthropologie et théorie de la connaissance. La conclusion que l’on en tirera permettra de définir les limites de la connaissance naturelle.


Ce pour quoi je me décide à chaque instant ne détermine pas seulement le façonnement de la vie actuelle présente, mais a aussi de l’importance pour ce que je deviens dans la totalité de mon être humain. (…) Toute décision crée une disposition à décider allant encore et toujours dans le même sens.


Ce que l’être humain est en profondeur et de la manière la plus personnelle, il le doit à Dieu seul, tandis que tout ce qu’il doit à des communautés terrestres, il le doit indirectement à Dieu. Par tout ce qu’il est, il est l’obligé de Dieu. C’est par Dieu qu’il est inséré dans les communautés dans lesquelles il se trouve, et c’est Dieu qui détermine la mesure des obligations qu’il a envers elles. Les responsabilités que je dois assumer, c’est devant Dieu que je dois les assumer. En quoi elles consistent, autrement dit le fait de savoir quel est mon devoir, c’est ma conscience qui me le dit. Suivre ma conscience est l’affaire de ma liberté. Il y a en tout être humain un domaine affranchi de tout lien terrestre, qui ne provient ni n’est déterminé par d’autres êtres humains. Là, l’homme est seul devant Dieu. C’est ce qu’il y a de plus intime dans l’âme, le « Je » absolument individuel et libre, le « Je » personnel. Ce que celui-ci a reçu par son ascendance est déposé entre ses mains afin qu’il lui donne forme et le fasse fructifier dans son agir. L’agir est la plupart du temps un agir au sein de communautés. Un homme peut avoir pour vocation d’être d’abord actif dans une communauté plus restreinte, par exemple la famille. Il se peut que le sens de son existence se réalise dans cet agir-là, sans que cet homme soit conscient d’appartenir à une communauté plus vaste ni d’avoir des obligations envers elle. Cet agir dans un cercle restreint peut néanmoins être fécond pour la communauté plus vaste. Un homme peut aussi avoir pour vocation de consacrer toutes ses forces au service de son peuple. La vie et la santé d’un peuple sont liées au fait qu’il existe des hommes dont c’est la vocation et qui l’acceptent. Mais il y a aussi des hommes qui sont appelés à quitter leur peuple et leur parenté. Il se peut que ces hommes soient envoyés auprès d’autres peuples. Mais il se peut également que Dieu les mette à part pour Lui-même. L’ordre de la Rédemption permet de comprendre qu’une vie entièrement coupée du monde et affranchie de toute communauté terrestre peut aussi être féconde pour l’humanité. La valeur d’un homme, toutefois, ne se mesure pas à cela. Ce n’est pas ce qu’un homme fait pour une communauté – pour la famille, le peuple, l’humanité – qui constitue l’ultime critère de sa valeur, mais le fait d’obéir ou non à l’appel de Dieu.


Intériorisée, comme il convient à son sens véritable, la vérité dogmatique possède la plus grande vertu pédagogique. L’homme en a besoin pour devenir ce qu’il doit être. Aucune science de l’éducation ne pourra donc parvenir à atteindre ses objectifs, si elle ne s’efforce pas de savoir ce que veut dire vivre de la foi ; et si elle n’enseigne pas à atteindre ce qui est le but de l’existence en apprenant à vivre en s’appuyant sur la foi.