Dans Ecrits spirituels du Moyen Âge, trad. Cédric Giraud, Paris, Coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Editions Gallimard, 2019.
19. Garde-toi aussi, serviteur de Dieu, de paraître condamner ceux que tu ne veux pas imiter. Je veux que tu agisses, encore malade, comme celui qui disait, avec une santé florissante : « Le Christ Jésus est venu sauver les pécheurs dont je suis le premier » (1 Tm 1,15). Et Paul ne le disait pas emporté par le mensonge mais poussé par un examen personnel. En effet, celui qui se connaît, en s’examinant parfaitement, estime que personne ne l’égale en péché, car il ne connaît pas le péché d’autrui comme il connaît le sien.
20. Ne va jamais penser que le soleil commun ne luit que dans ta cellule, qu’il ne fait beau que pour toi, que la grâce de Dieu n’agit qu’en ta conscience. Dieu est-il seulement le Dieu des solitaires ? Non, il est le Dieu que tous ont en commun, car il a pitié de tous et ne hait rien de ce qu’il a fait. Je préfère plutôt te voir penser qu’il fait beau partout sauf pour toi et concevoir les pires pensées à ton propos plutôt que de tout autre. p. 239.
101. Le médecin est toujours à ta portée, il est prêt. Pour éviter que tu aies en horreur ta solitude et afin que tu vives en cellule avec plus de sûreté, trois gardiens t’ont été commis : Dieu, la conscience et le père spirituel. A Dieu, auquel il te faut te consacrer tout entier, tu dois la piété ; à ta conscience, devant laquelle tu dois rougir de pécher, l’honneur ; au père spirituel, auquel tu dois recourir en tout, l’obéissance pleine de charité. p. 258
262. Il existe encore une autre ressemblance avec Dieu : elle est à ce point caractéristique qu’on la nomme non plus « ressemblance », mais « unité d’esprit ». C’est lorsque l’homme devient un seul esprit avec Dieu, non seulement par l’unité d’un même vouloir, mais par la manifestation encore plus véridique d’une vertu incapable de vouloir autre chose que Dieu.
263. On l’appelle unité d’esprit, non seulement parce que l’Esprit saint la produit ou y dispose l’esprit humain, mais parce qu’elle est elle-même l’Esprit saint, Dieu-Charité. Elle arrive lorsque celui qui est l’amour du Père et du Fils, leur unité, leur douceur, leur bien, leur baiser, leur étreinte et tout ce qui peut être commun aux deux dans la suprême unité de la vérité et dans la vérité de l’unité devient, à sa manière, pour l’homme par rapport à Dieu ce qu’il est, par unité consubstantielle, pour le Fils par rapport au Père ou pour le Père par rapport au Fils ; lorsque la conscience bienheureuse se trouve comme participer au baiser et à l’étreinte du Père et du Fils ; lorsque, d’une manière ineffable et impensable, l’homme de Dieu mérite de devenir, non pas Dieu, mais pourtant ce qu’est Dieu : l’homme étant par grâce ce que Dieu est par nature. pp. 294-295.