Paris, Coll. « Espaces libres », Editions Albin Michel, 2012.
Il faut voir et admettre que le peuple juif a été traumatisé par des siècles de vie dans une diaspora chrétienne. Comme toute minorité persécutée peut l’être. Quand les Juifs voient une croix, ils pensent aux croisades. Et les croisades ne sont pas pour nous le symbole d’une culture de chevalerie, mais d’océans de sang. p. 56.
Si les chrétiens se voient d’ordinaire porteurs de la vérité, assignant aux Juifs le rôle de témoins, chez Rosenzweig, c’est l’inverse. Il y a un peuple qui s’est placé en dehors de l’histoire, vivant dans l’éternité de sa vérité, le peuple juif. Et il existe une communauté appelée à témoigner pour les autres, à porter ces vérités aux autres, à être sur la voie éternelle, ce sont les chrétiens. Ces deux manières d’être au monde sont deux vocations complémentaires, deux parts d’une même vérité. Une vérité qui n’est jamais livrée tout entière, mais dont le destin est d’être toujours donnée en partage. « Devant Dieu, les deux, le juif et le chrétien, sont ouvriers dans la même œuvre. Entre les deux, il a placé pour tous les temps l’inimitié, et malgré tout, il les a étroitement liés l’un à l’autre… La vérité, la vérité entière, n’appartient ni à l’un ni à l’autre. Les deux ne font qu’y participer.» p. 233.